(Article de décembre 2021)
Héritière d’une tradition millénaire, Elsa Falempin fait partie du cercle très fermé des enlumineurs de France. Cette outreloise de 26 ans passionnée fait découvrir son métier d’art et d’artisanat exceptionnel.
► Comment définissez-vous l’enluminure ?
On pourrait comparer l’enluminure du Moyen-Age aux illustrations d’aujourd’hui. Leur rôle était de permettre la compréhension du texte par le plus grand nombre, même pour ceux qui ne savaient pas lire, et ils étaient très majoritaires à l’époque. Les premières enluminures sont apparues au Vème siècle. Il existe de multiples courants d’enluminures selon les époques, les pays, comme l’art carolingien, mérovingien répandu en France, en Allemagne ou l’art insulaire pratiqué en Irlande, en Écosse, etc. Ils se caractérisent par la diversité des couleurs, l’élaboration du dessin, des personnages, la présence d’entrelacs.
► Comment vous est venue l’idée d’en faire votre métier ?
Avec le bac que j’avais choisi, je me destinais à des métiers de la relation d’aide ou de la santé. Mais j’ai vite su que ça n’était pas pour moi. Passionnée d’histoire, j’ai voulu faire une licence à Boulogne. Mais ça ne me plaisait pas beaucoup. Comme me l’a judicieusement fait remarquer mon père à l’époque, je suis plutôt manuelle, créative :
j’ai toujours aimé coudre ou tricoter avec mes grands-mères. En cherchant sur internet ce que je pouvais faire, je suis tombée sur le site de l’institut Supérieur européen de l’enluminure et du manuscrit d’Angers. J’ai eu un véritable coup de coeur. Plus je m’y intéressais, plus j’aimais. L’entrée se faisait sur entretien : ma motivation a été la clé.
► Quelles compétences faut-il pour faire de l’enluminure ?
En deux ans d’études, nous plongeons dans l’histoire du Moyen-Age, nous apprenons la technique : la calligraphie, le respect du dessins, la précision des couleurs, des traits, la peinture et les spécificités techniques de l’époque comme l’utilisation du parchemin (peau de chèvre), des pigments naturels ou synthétiques ou encore la pose d’or, etc.
Ma période de prédilection est l’art roman. Plus largement, faire de l’enluminure exige de la concentration, de la rigueur, de la précision, de la patience.
► Quel est votre rôle en tant qu’enlumineur de France ?
Aujourd’hui, on ne restaure plus les manuscrits. Quand un musée ou une institution souhaite faire une exposition, nous pouvons réaliser un facsimile de ce manuscrit dans le respect de l’original. Mais j’aime aussi faire connaître l’art de l’enluminure. Cela se fait par des stages de découverte par exemple. Les gens sont épatés de voir qu’ils sont capables de cela, c’est très gratifiant. J’interviens aussi dans les écoles, les collèges : l’enluminure fait partie de notre histoire, de notre patrimoine ! C’est formidable que les enfants puissent se l’approprier ! C’est aussi un métier de création : je crée des enluminures du XXIème siècle. J’ai par exemple été sollicitée pour faire une enluminure à l’occasion de noces de platine, je crée des cartes postales, des illustrations, etc.
Propos recueillis par Florence Pécriaux